Le Monde a fait retirer une tribune d’un politologue qui fustigeait les propos d’Emmanuel Macron en Algérie. Explications.
« Réduire la colonisation en Algérie à une ‘histoire d’amour’ parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle ». Le politiste Paul Marc Morin réagissait, dans une tribune publiée dans Le Monde hier, aux propos du président français en voyage en Algérie.
Une tribune qui ne sera restée que quelques heures en ligne, le temps que la présidence appelle Le Monde pour la dépublier.
Le texte indiquait notamment que « la question des mémoires (…) a une nouvelle fois servi de vitrine pour simuler des avancements vers une ‘réconciliation’ » et estimait que, « en cinq ans, la colonisation sera passée, dans le verbe présidentiel, d’un ‘crime contre l’humanité’ (2017) à ‘une histoire d’amour qui a sa part de tragique’ (2022) ».
Il faut rester honnête et rappeler que le président Emmanuel Macron parlait, alors qu’il évoquait une « histoire d’amour », de la relation entre la France et l’Algérie. Mais l’histoire des deux pays est forcément liée à la colonisation. Faire le raccourci entre cette déclaration et la colonisation n’a donc rien de malhonnête.
Pour argumenter quant à la suppression de la tribune, Le Monde affirme que « Ce texte reposait sur des extraits de citations qui ne correspondent pas au fond des déclarations du chef de l’Etat. Si elle peut être sujette à diverses interprétations, la phrase ‘une histoire d’amour qui a sa part de tragique’ prononcée par M. Macron lors de la conférence de presse n’évoquait pas spécifiquement la colonisation, comme cela était écrit dans la tribune, mais les longues relations franco-algériennes. Le Monde présente ses excuses à ses lectrices et lecteurs, ainsi qu’au président de la République ».
L’Elysée « furax »
Pour l’auteur du texte, « les annonces et les déclarations du Président donnaient matière à l’analyse ». Il affirme que sa tribune a « été relue, modifiée et validée par eux ».
Mais en réalité, l’Elysée a voulu faire oublier les propos de Macron. Selon Libé, la présidence a notamment indiqué aux journalistes politiques que la citation n’était pas à prendre comme on l’avait comprise. Puis, l’Elysée a donc appelé Le Monde.
« L’Elysée était furax », assure l’auteur du texte, qui affirme que la présidence a demandé d’« apporter des modifications. J’ai accepté ces changements car la formulation ne remettait pas en cause le fond de l’analyse. Mais cela n’a pas pu être modifié car une demi-heure plus tard, j’ai reçu un deuxième appel pour me dire que la tribune était retirée, parce que j’avais mal interprété ou surinterprété les propos du président et que cette analyse était partagée par les envoyés spéciaux en Algérie qui s’opposaient à sa publication. J’ai alors proposé une nouvelle version recontextualisant les propos du Président mais cette dernière mouture a été refusée ».
Heureusement, internet a de la mémoire…
