On parle depuis quelques jours maintenant de la fameuse « clause Molière. » Mais qu’est-ce donc que cette clause au nom si pompeux, si prétentieux ? Il s’agit — accrochez vous bien — d’une mesure absolument géniale — pour faire dans l’ironie tragique — qui consiste à privilégier les entreprises qui emploient des travailleurs parlant français. Autrement dit, il s’agit d’un cautionnement avéré de la volonté d’une partie de l’opinion publique qui ne se sent plus chez elle et clame, à la suite de Zemmour ou autre Le Pen, que « la France, ça n’est pas l’Algérie ! » et que « ça suffit, les dialectes d’Afrique du Nord. »  Autant dire que Moliere doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait une vision non pas figée de la langue française, mais aimait justement sa richesse et son approvisionnement continuel de termes nouveaux. Lui qui écrivait : « Contre la médisance, il n’est point de rempart » serait probablement outré que de constater une telle mesure raciste, discriminante, voilée derrière d’aberrantes excuses, avancées comme pour venir justifier l’injustifiable.

Un mécanisme pervers d’exclusion des populations étrangères

En effet, la clause, adoptée par Valérie Pecresse sur certains chantiers d’Île-de-France ou encore par Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhônes-Alpes n’est, en aucun cas, légale. Si, officiellement, elle servirait à mettre fin à la prolifération de travailleurs détachés qui paient des cotisations sociales dans leur pays d’origine, si, soit-disant, l’utilisation et la maitrise de la langue française permettait la sécurité des travailleurs — c’est vrai que parler arabe ou roumain sur un chantier semble très dangereux ! —, la clause tolère avant tout un mécanisme pervers d’exclusion des populations étrangères : comment un étranger peut-il s’intégrer sans parler français ? Cela est certes complexe, mais comment apprendre le français si ce n’est au travail ? On assène aux étrangers qu’ils doivent travailler en France ou partir, et lorsqu’ils veulent travailler, on les en empêche. Ça suffit !

Cette clause est avant tout une façon d’imposer, de force, et non démocratiquement, une préférence nationale honteuse provoquant une inégalité d’accès à la commande publique et instaurant, institutionnalisant une discrimination envers les sociétés étrangères. De plus, ce nouveau critère d’attribution deviendrait un frein à la libre-circulation des travailleurs étrangers en France, pourtant l’un des principes fondamentaux des traités de l’Union Européenne.