Surprise de Christophe Castaner qui s’est positionné pour une interdiction du port du voile dans l’espace public lors de l’émission sur France Inter du 29 décembre 2017. Bien que régulièrement rappelé, il convient, une nouvelle fois, de faire part de quelques éléments d’observations à Monsieur Castaner sur le voile et l’espace public.

L’espace public ne peut pas être laïque, sans porter atteinte à une double liberté : la liberté de religion et la liberté d’expression. En effet, la liberté de religion impose que l’on puisse extérioriser sa religion, soit à travers son accoutrement, soit à travers une manifestation religieuse (permise par la loi de 1905 lorsqu’elle est déclarée). Par ailleurs, le fait de revêtir une croix, une kippa ou encore un voile dans l’espace public n’est que le signe d’une expression religieuse, permise par la liberté d’expression.

« La Cour suprême administrative avait d’abord précisé qu’une interdiction générale du seul voile intégral soumettrait cette dernière à une forte insécurité juridique »

Il s’avère en conséquence complexe de dire que dans l’espace public les signes religieux sont interdits. Beaucoup seraient en infraction ! Ensuite, il convient de noter que plusieurs choses sont interdites dans l’espace public : les crimes, les délits ou encore les comportements appelant une infraction. Mais tous ces éléments sont fondés sur l’ordre public. C’est ainsi que lorsque la loi de 2010 relative à la dissimulation du visage était en cours de vote, le Conseil d’Etat avait précisé, dans une étude en date du 30 mars 2010, avait manifesté plusieurs inquiétudes.

La Cour suprême administrative avait d’abord précisé qu’une interdiction générale du seul voile intégral soumettrait cette dernière à une forte insécurité juridique. Et le Conseil d’Etat de préciser que « Le Conseil d’Etat écarte tout d’abord résolument le principe de laïcité comme fondement d’une éventuelle interdiction. »

Il a été alors préconisé de chercher le fondement de la l’ordre public pour valider la loi de 2010. Ni la laïcité, ni la dignité de la personne humaine, ni l’égalité hommes – femmes, ni la laïcité ou encore ni la sécurité publique ne permettaient une telle interdiction.

« Concernant le statut des parents accompagnateurs lors des sorties scolaires, ici encore, la solution adoptée par le Conseil d’Etat est de permettre la liberté de se vêtir »

Concernant le statut des parents accompagnateurs lors des sorties scolaires, ici encore, la solution adoptée par le Conseil d’Etat est de permettre la liberté de se vêtir, sauf cas particulier de prosélytisme qui entacherait le bon fonctionnement du service public. Car, en effet, bien que l’arrêt du Tribunal administratif de Nice annule la décision du chef d’établissement sur un défaut de motivation, cela signifie bien que l’administration doit motivée, de manière précise et circonstanciée, toute obligation de neutralité imposée à un parent accompagnateur dans le cadre des sorties scolaires.

Enfin, Christophe Castaner doit désormais faire en sorte de se plier sur la ligne d’Emmanuel Macron qui redoutait, il y a peu devant les représentants des cultes, une « radicalisation » de la laïcité. Cette radicalisation passe par le fait de voir de la laïcité partout et, en conséquence, de l’interdiction partout. Souvent, ce sont en premier lieu les Français de confession musulmane qui sont concernés.

Le gouvernement devrait désormais prendre acte du discours du Président de la République.

* Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur et conférencier spécialiste de l’Islam et de la laïcité. Il a écrit « Outils pour maîtriser la laïcité » publié aux éditions La Boîte à Pandore.