Ils sont nombreux ici à le dire: lundi, pour les législatives fédérales canadiennes, ils vont donner leur voix au parti qui défendra « l’identité québécoise ». A Sainte-Thérèse, au nord de Montréal, comme dans plusieurs autres villes de la « Belle province », les indépendantistes du Bloc québécois (BQ) ont le vent en poupe.

Et comme dans plusieurs des 78 circonscriptions du Québec, le plus important champ de bataille électoral au Canada avec l’Ontario, cette montée risque de faire perdre au Premier ministre canadien sortant Justin Trudeau les sièges sur lesquels il compte pour conserver sa majorité au Parlement d’Ottawa.

« J’ai voté pour vous lors du vote par anticipation! », lance avec enthousiasme Jézabel Blais, une jeune infirmière, à la candidate locale du Bloc, Louise Chabot, qu’elle vient de croiser par hasard.

Mathis Malenfant, 18 ans, va mettre un bulletin dans l’urne pour la première fois lundi, et son choix est fait.

Le Bloc québécois « est le seul parti qui défende vraiment l’identité québécoise », explique-t-il.

– Des libéraux « inquiets » –

Dans cette circonscription, le BQ, créé en 1991 pour défendre « les intérêts du Québec à Ottawa » et qui ne présente des candidats que dans la province francophone, a six points d’avance sur les libéraux, selon la moyenne des sondages.

Face à la menace, Justin Trudeau, déjà engagé dans un coude-à-coude au niveau national avec son rival conservateur Andrew Scheer, est venu jeudi dans cette ville francophone de la banlieue de Montréal pour prêter main forte à son député, Ramez Ayoub, élu en 2015 et dont le siège est donc en péril.

Les libéraux « sont inquiets. Ils viennent dans des circonscriptions où la partie est moins facile que ce qu’ils attendaient, ils sentent peut-être que le terrain leur glisse sous le pied », clame la candidate du Bloc, Louise Chabot.

Le BQ partait pourtant de loin. Lorsqu’il était devenu chef du parti en janvier, Yves-François Blanchet, 54 ans, ancien ministre à Québec et ex-analyste politique à la télévision, avait même comparé la formation à un « cadavre ».

Aujourd’hui, « je pense qu’on se porte raisonnablement bien », a-t-il récemment dit dans des propos rapportés par la presse canadienne.

Après avoir monopolisé à partir de 1993 la représentation du Québec à Ottawa, le Bloc, parti de centre-gauche, avait été laminé aux élections de 2011, passant de 49 à 4 députés, avant de remonter à 10 en 2015, deux de moins que nécessaire pour retrouver son statut de groupe officiel à Ottawa.

Dans le panorama politique complexe du Québec, où la population a voté deux fois contre la séparation de la province du reste du Canada, en 1980 et 1995 – la dernière fois de justesse – le retour du Bloc québécois n’est cependant pas une surprise.

– « Fierté québécoise » –

Bien qu’indépendantiste, le parti « surfe » dans cette campagne sur les revendications du gouvernement « autonomiste » du Premier ministre québécois François Legault, estiment des experts, faisant siennes les propositions en matière d’immigration et d’impôts.

Et il capitalise sur la nouvelle loi sur la laïcité de l’Etat québécois, adoptée en juin, qui interdit aux fonctionnaires en position d’autorité ainsi qu’aux enseignants du réseau public le port de signes religieux dans leurs fonctions.

Décriée dans le reste du Canada comme « anticonstitutionnelle » et « raciste », cette loi est très populaire au Québec, surtout chez les francophones qui comptent pour 80% de la population.

Le Bloc a fait de la défense de cette législation l’un de ses principaux chevaux de bataille dans la campagne, pendant que ses rivaux louvoyaient ou n’écartaient pas de la contester devant la Cour suprême, comme Justin Trudeau.

« La laïcité s’est inscrite (comme thème) au même moment où on faisait la campagne. Cela fait aussi partie de notre ADN », se défend Louise Chabot, la candidate du Bloc, une infirmière retraitée qui présidait jusqu’à l’an dernier l’un des principaux syndicats du Québec.

Pour tenter de maintenir sa présence dans la province, Justin Trudeau répète, comme il l’a encore fait samedi, qu’il est « un fier Québécois ».

Et lorsqu’il est venu à Blainville, il a tonné que le Bloc n’avait « pas le monopole de la fierté québécoise ».

Ce jour-là, un sondage donnait les libéraux et le BQ à égalité au Québec, avec toutefois une avance substantielle de ce dernier dans l’électorat francophone, qui détermine l’issue du vote dans 80% des circonscriptions de la province.