Directeur du site mondafrique, Nicolas Beau vient de publier un nouveau livre consacré aux « Beurgeois de la République », aux éditions du Seuil. Nous l’avons rencontré.

LeMuslimPost : Nicolas Beau, vous venez de publier « Les Beurgeois de la République ». Qu’est-ce qu’un « beurgeois » ?

Nicolas Beau : C’est une personne issue de l’immigration maghrébine qui a accédé aux hautes fonctions politique et qui s’est fait une place au sein de cette politique française. Ils ne sont en fait que quelques dizaines, ils ne représentent que 6 à 7 % des conseils municipaux. Je les qualifie, de façon ironique, de « beurgeois. »

LeMuslimPost : Votre livre a été peu relayé dans la presse…

Nicolas Beau : Il y a effectivement un certain silence des médias traditionnels. Notamment parce que je touche à des icônes comme Najat Vallaud-Belkacem ou Rachida Dati. C’est également un travail sérieux sur les politiques d’intégration depuis plusieurs décennies. Or, aujourd’hui, on préfère les anathèmes sur l’Islam, Eric Zemmour…

LeMuslimPost : Ces « beurgeois » semblent attirés par le devant de la scène…

Nicolas Beau : Et c’est une qualité. Initialement, je voulais appeler mon livre « Les Lascars de la République », mais j’avais peur que ce soit mal perçu. Pour moi, un lascar n’est pas un bandit mais celui qui a connu l’école de la rue, des cités. Pour en arriver là où ils sont et pour exister dans cette classe politique, il leur a fallu de l’énergie et du culot.

« S’adosser aux pays du Golfe, une imposture totale »

LeMuslimPost : Ces « beurgeois » qui intègrent les plus hautes sphères du pouvoir sont parfois traités de « collabeurs » par la communauté musulmane…

Nicolas Beau : Beaucoup ont vendu à la classe politique leurs connaissances des quartiers. Les dirigeants cherchent des relais dans ces quartiers. Mais la plupart d’entre eux ont oublié leurs origines et parlent au nom d’une communauté de laquelle ils se sont coupés. Il y a une espèce de leurre.

LeMuslimPost : En vous lisant, on a l’impression que la vitrine est maghrébine, mais que le fond de commerce vient des royaumes du Golfe…

Nicolas Beau : Il faut parfois trouver des moyens de subsistance… Une partie de cette « beurgeoisie » s’adosse à ses pays d’origine. D’autres préfèrent s’adosser aux pays du Golfe qui, pour le coup, sont coupés des banlieues françaises. Cela devient alors une imposture totale. Ces pays aux méthodes moyenâgeuses sont loin de cette génération des banlieues qui se revendique de la devise française : liberté, égalité et fraternité.

LeMuslimPost : Ces « beurgeois », qui rêvaient d’une intégration « à la loyale », comme vous l’écrivez, ont-ils été trahis ou se ont-ils eux-mêmes trahi leurs valeurs ?

Nicolas Beau : Les jeux ont rapidement été faits après la « marche des Beurs. » A cette époque, on avait l’impression qu’une réelle intégration allait se faire. Mais les formations politiques sont restées très fermées, à l’exceptions de petits partis. Le Parti socialiste ou le RPR à l’époque ont à peine entrouvert leurs portes. On a intégré des Beurs sur les listes pour les municipales, mais on ne leur a laissé que des fonctions secondaires. Dans les années 1980 et 1990, il y a eu une absence totale d’ouverture des partis, à la différence des Pays-Bas par exemple.

Le « beurgeois », c’est « L’Arabe qui cache la forêt »

LeMuslimPost : Pourtant, certaines personnes issues de l’immigration maghrébine ont réussi à trouver leur place.

Nicolas Beau : Celles-là sont celles qui ont persisté. Elles l’ont fait pour leur propre tête, sans aucune solidarité avec leurs quartiers d’origine. Mais elles ont surtout eu une capacité à oser, à s’imposer, à parler vrai.

LeMuslimPost : On remarque également que ces « beurgeois » se tournent de plus en plus vers la droite, voire l’extrême droite…

Nicolas Beau : C’est vrai qu’il y a eu des Français musulmans chez Jean-Marie Le Pen, qui est plus antisémite qu’anti-Arabes. Traditionnellement, les quartiers populaires votent à gauche. Mais, effectivement, les « beurgeois » sont plus souvent à droite. Notamment parce que la gauche leur a laissé peu de place. Ils se sont plus largement tournés vers la droite entre 1995 et 1998. Paradoxalement, celui qui a eu un vrai discours par rapport à l’intégration et la diversité, c’est Sarkozy en 2007. Je rappelle dans mon livre que la loi de 2004 contre le port du voile dans les écoles a été porté par Chirac et par la gauche. Nicolas Sarkozy y était opposé.

LeMuslimPost : Azouz Begag explique que le « beurgeois », c’est « L’Arabe qui cache la forêt »…

Nicolas Beau : Azouz Begag est un très bon écrivain, mais un politique médiocre, mais il résume très bien la situation. Derrière cette « beurgeoisie », il y a des banlieues, des quartiers, et la politique d’intégration reste au point mort. Regardez, sous Jean-Marc Ayrault, un rapport sur l’intégration a été commandé. Les travaux ont duré six mois. Eh bien, simplement à cause d’une fuite dans Le Figaro, qui indiquait qu’il fallait revenir sur la loi de 2004, ce rapport a été mis à la poubelle.

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