Le père, réfugié politique en Belgique, s’inquiète de ne plus avoir de nouvelles de sa femme, Horiyat Abdulla, et de ses quatre enfants depuis le 31 mai, après leur passage à l’ambassade de Belgique à Pékin pour compléter une demande de regroupement familial.

« Je suis inquiet pour leur sécurité », a déclaré à l’AFP Abdulhamid Tursun. Il craint que ses proches ne soient envoyés dans un des camps du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), que Pékin présente comme des centres de formation professionnelle visant à lutter contre la radicalisation.

Au nom de la lutte contre le terrorisme, Pékin a drastiquement renforcé les mesures de surveillance au Xinjiang, en proie durant la dernière décennie à des attentats attribués à des membres de l’ethnie turcophone et musulmane des Ouïghours.

Selon des associations de défense des droits humains, jusqu’à un million de personnes sont ou ont été internées dans des camps de cette vaste région semi-désertique.

« Famille localisée »

L’ambassade de Belgique à Pékin a été abondamment critiquée ces derniers jours par des associations de défense des droits humains, qui l’accusent d’avoir livré la famille en pâture à la police chinoise.

Lundi soir, le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders avait annoncé l’envoi dès mardi d’un diplomate belge dans le Xinjiang pour s’enquérir du sort de la maman et de ses quatre enfants.

Mais la famille est désormais localisée dans la région, a indiqué mercredi soir à l’AFP à Bruxelles un porte-parole de la diplomatie belge, et « le but de la mission a changé ».

« Notre ambassade est toujours prête à aller dans la région mais pour finaliser les formalités nécessaires. Certains documents sont encore nécessaires et doivent être en ordre. On travaille sur les modalités de ce voyage », a ajouté ce porte-parole, Karl Lagatie.

Selon M. Tursun, les membres de sa famille, lors de leur déplacement à Pékin, ont paniqué après avoir appris qu’ils devraient encore patienter « au moins trois mois » avant d’obtenir leurs visas pour la Belgique.

Ils ont ainsi refusé de quitter l’ambassade et de retourner à leur hôtel dans la capitale, où ils avaient déjà reçu plusieurs visites nocturnes de la police leur demandant « quand ils rentreraient au Xinjiang », a-t-il expliqué.

Difficultés à voyager

L’ambassade a proposé de raccompagner la famille à son hôtel, mais celle-ci a refusé et a « entamé une espèce de sit-in », selon la diplomatie belge.

Dans un entretien publié mardi dans le journal Le Soir, Didier Reynders a expliqué que l’ambassade avait « demandé à la famille de quitter les lieux ».

« Une ambassade n’a pas pour vocation de décerner des titres de séjour ni d’héberger des personnes demandant le regroupement familial », a-t-il souligné.

Après de longues heures d’attente, la police chinoise « les a escortés hors » des lieux, assure-t-on côté belge.

« Il y a eu un malentendu sur les procédures à suivre », a expliqué M. Lagatie.

« On a parlé avec les autorités chinoises. Il faut suivre le processus comme il est prévu », a-t-il poursuivi, soulignant que la famille, lors de sa venue à l’ambassade le 29 mai, ne disposait pas de passeports chinois.

« L’Office des étrangers (le département de l’Etat belge chargé de l’immigration) est d’accord pour délivrer les visas si les requérants peuvent soutenir leur demande avec les preuves nécessaires », a insisté M. Lagatie.

Quelques jours après le déplacement à Pékin, Horiyat Abdulla et ses enfants ont été emmenés par la police du Xinjiang, selon son mari, qui a alors alerté des ONG en Belgique.

Beaucoup de Ouïghours ont des difficultés à voyager hors de Chine, faute d’obtenir un passeport ou parce que celui-ci est confisqué par les autorités locales.