Encore tricard il y a quelques années, il est redevenu fréquentable. On l’appelle par son prénom, les élus se ruent dans son pays en guerre pour taper un brin de cosette avec lui et il se prend même à donner son avis sur la politique française. Mais que s’est-il passé pour que Bachar el-Assad passe du statut d’ennemi public numéro 1 à celui de meilleur allié de la France ? Autrement dit, comment est-il sorti de l’axe du mal pour entrer dans l’axe du bien ? Interrogé par RTL, France Info et LCP, le président syrien maîtrise la réthorique. Parce qu’il est l’ennemi de nos ennemis, il en devient forcément notre ami. Nos ennemis, ce sont bien sûr les terroristes de Daesh. Bachar el-Assad, lui, préfère englober tous ses opposants sous ce terme de « terroristes », que ce soit Al Nosra ou les Casques blancs, ces civils qui étaient sélectionnés pour obtenir le prix Nobel de la Paix 2016. « Nous n’avons rien à faire des noms », estime le président syrien, qui se donne « la légitimité pour libérer n’importe quelle zone contrôlée par les terroristes, quel que soit le nom qu’ils se donnent. » Alors que plus de 90 000 civils auraient été tués, dont 16 000 enfants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Bachar el-Assad assure qu’il ne tue pas ses propres citoyens.

La droite française, Fillon en tête, soutient la Russie

En 2011, Nicolas Sarkozy demandait « plus de fermeté » contre Bachar el-Assad et l’exhortait à quitter le pouvoir. François Hollande, lors de son élection, assurait ensuite qu’il n’y avait pas « de solution possible » à la crise en Syrie « sans le départ de Bachar el-Assad. » Mais à l’été 2012, l’Allemagne, en discussions avec la Russie, calme la France. Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni continuent à dire que le problème, c’est le président syrien, et alors que la France continue à accuser le président syrien de crimes, en septembre 2014, la coalition emmenée par les Etats-Unis décide de faire « front commun » avec Bachar el-Assad. Johny Kerry estime même qu’« il faudra négocier » avec le président syrien une fois le conflit terminé. En septembre 2015, Marine Le Pen et François Fillon se positionnent dans la même ligne que Vladimir Poutine. Conséquence : la France revoit petit à petit sa position. Parce qu’il est la solution pour contrer Daesh, Bachar el-Assad revient de plain-pied dans l’axe du bien. Les visites successives de parlementaires français — notamment, ces derniers jours, les députés Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq et Jean Lassalle — à Damas confirment le revirement de la France.

Poutine profite des tergiversations françaises

Un numéro d’équilibristes auquel est habituée la France. En 2008, Bachar el-Assad était l’un des invités d’honneur du défilé du 14 juillet. Il avait alors fallu trois ans à la France pour décréter que le président syrien était son ennemi numéro 1. Il en avait été de même pour Mouammar Kadhafi, qui avait pu planter sa tente dans les jardins de l’Elysée avant que la France ne lance une grande offensive contre le Guide libyen et participe à son exécution. Ben Ali, lui, a eu plus de chances : soutenu pendant un quart de siècle par l’Hexagone, jusqu’au jour de son départ, Michèle Alliot-Marie avait proposé une aide militaire au dictateur avant de s’en désolidariser… trop tard. Devant ces incohérences, Vladimir Poutine est apparu comme une solution de repli. Sa constance plaît à droite, et même la gauche envisage de se rapprocher du chef d’Etat russe. Là où la France a soufflé le chaud et le froid à propos de Bachar el-Assad, Poutine n’a jamais cessé de soutenir ce dernier. La chute de Bachar el-Assad signifierait l’arrivée d’une vague terroriste et de l’instabilité sur le territoire russe. Poutine ne fait pas dans les sentiments et il profite aujourd’hui des tergiversations de l’Europe pour s’imposer comme le leader du front anti-Daesh. Replaçant ainsi indéniablement Bachar el-Assad dans l’axe du bien. Son axe du bien.