Lorsqu’il arrive place Beauvau en 2012, Manuel Valls promet de mettre fin au « délit de solidarité. » En cause, une ambiguïté dans la loi qui peut amener des personnes qui apportent leur aide à des étrangers en situation irrégulière à être sanctionnés. En 2015, un Britannique avait écopé d’une amende pour avoir tenté de faire passer une fillette Afghane de 4 ans de la jungle de Calais en Angleterre. Plus récemment, un instituteur avait été arrêté pour avoir transporté trois sans-papiers dans sa voiture et un agriculteur, Cédric Herrou, vient de comparaître pour avoir aidé des migrants. Face à ce dernier, Manuel Valls a assuré avoir mis fin au « délit de solidarité. » Mais dans la réalité, tout est différent : Cédric Herrou risque huit mois de prison — le jugement tombera le 10 février prochain —, et six mois de prison avec sursis avaient été requis contre l’enseignant. Les associations demandent donc aujourd’hui une suppression plus franche du « délit de solidarité », même si, rappelle Amnesty International, « la notion de ‘délit de solidarité’ n’existe pas juridiquement. »

La loi s’est pourtant adoucie

Que prévoit exactement la loi ? L’article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) punit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France. » L’intervention de Manuel Valls il y a quatre ans avait permis de ne plus autoriser les poursuites pénales contre les personnes ayant apporté à des sans-papiers « des conseils juridiques, des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger et toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci », précise Amnesty International. Pourtant, plusieurs personnes sont toujours poursuivies. « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable », disait Manuel Valls en annonçant un changement de la loi. Mais le parquet semble n’avoir que faire de cette déclaration.

Pour « le droit d’agir en toute humanité »

Alors, les différentes associations ont décidé de prendre ce problème à bras le corps. Le GISTI, Groupe d’information et de soutien des immigrés, lance par exemple une action collective « pour en finir avec le délit de solidarité. » Selon l’association, « les autorités entendent faire plier les citoyennes et les citoyens qui n’adhèrent pas aux politiques de non-accueil et de mise à l’écart des migrants. » Le GISTI a donc réuni une centaine d’organisations associatives ou syndicales, nationales ou locales, et publié un manifeste. Dans ce dernier, le groupe dénonce que « toutes sortes d’autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s’oppose aux politiques mises en œuvre » et estime que « l’ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du ‘délit de solidarité’. » Le GISTI écrit que « ces procédés d’intimidation doivent cesser » et réaffirme « la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. » L’association promet de mettre en œuvre, dans les semaines à venir, « toutes sortes d’actions afin que soient préservés le droit de regard, le droit de critique, le droit de s’opposer à des politiques qu’on désapprouve, le droit de se conduire autrement qu’en agent de politiques de fermeture », bref, « le droit d’agir en toute humanité. »