« Pour la première fois depuis soixante-dix ans, des nazis vont s’exprimer au Reichstag. » Quand il parle du parti AfD, Sigmar Gabriel, ministre allemand des Affaires étrangères, n’y va pas par quatre chemins. Le parti d’extrême droite allemand Alternative pour l’Allemagne a en effet gagné, lors des élections législatives qui se sont déroulées ce week-end outre-Rhin, 94 sièges au Parlement. Ou plutôt 93 en réalité, puisque l’une des dirigeantes d’AfD, Frauke Petry, a annoncé qu’elle ne siègerait pas pour la formation avec laquelle elle a été élue au sein du Bundestag. En cause, le discours de plus en plus radical d’AfD, dont la frange identitaire et extrémiste a pris le dessus lors de la campagne électorale. Malgré les dissensions internes, le parti nationaliste a en tout cas fait carton plein, comme le pressentaient les sondages d’avant-scrutin. La formation réalise un très bon score, particulièrement en ex-RDA, en recueillant 21,5 % des voix. Il faut dire que la fracture sociale s’élargit en Allemagne. Et AfD a joué sur cette dernière.

AfD : une campagne contre les musulmans

Mais pas seulement… La campagne d’AfD s’est aussi en grande partie concentrée sur une « islamisation grandissante de l’Allemagne », comme le dénonçait Alexander Gauland, l’une des têtes de liste du parti. Avec des accusations envers Angela Merkel de privilégier les réfugiés aux Allemands. Conservateur, climatosceptique, eurosceptique… AfD a des airs de ressemblance avec le Front National. Mais à l’inverse de Marine Le Pen, ses leaders ont choisi de dire les choses clairement : là où la patronne du FN préfère la dédiabolisation, les membres d’AfD ont usé d’un discours radical, dénonçant notamment l’Islam comme étant une « doctrine politique » et rappelant à qui veut bien l’entendre que la religion musulmane n’est pas soluble dans la démocratie. Et le populisme d’AfD a attiré les foules aux urnes : le nombre de votants est passé de 71 % lors des dernières législatives à 76 % pour les élections de ce week-end.

Le centre glisse petit à petit vers la droite

Si AfD n’est « que » la troisième force du pays, son entrée au Bundestag augure une droitisation des autres formations comme le CDU d’Angela Merkel. Une droitisation qui a déjà débuté bien avant le scrutin. « Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où ce centre glisse vers la droite, et avec lui les partis qui ont participé à ce consensus libéral – mais pourtant avec la prétention d’être toujours le centre, écrit ainsi Peter Wahl, membre du Conseil scientifique d’Attac Allemagne. Cette droitisation utilise deux phénomènes ‘extérieurs’ comme base de légitimation : la migration et l’émergence du terrorisme djihadiste sur le terrain allemand. » Le militant de l’association dénonce d’ailleurs « un paquet de lois » qui ont été adoptées sous la chancelière et qui « se rapprochent du programme d’AfD. » Comme en avril, lorsque l’Allemagne a interdit le port du voile intégral dans la fonction publique.