L’affaire Tariq Ramadan prend une tournure inédite. Alors que la plupart des médias français enquêtaient à charge contre le Suisse et que la presse relayait, sans les remettre en doute, les récits des plaignantes, un article du Point, sorti ce mercredi soir, montre que des éléments troublants ont été mis à jour par les enquêteurs. LeMuslimPost a pu consulter le dossier d’instruction. Les vérifications effectuées par la police montrent aujourd’hui un décalage entre certains témoignages et la réalité des faits. Explications.

Henda Ayari contredite par ses propres témoins

Henda Ayari a été la première femme à porter plainte contre Tariq Ramadan mais a, pour l’heure, refusé la confrontation avec ce dernier. Les faits supposés se seraient déroulés le 31 mars 2012 à Paris. L’auteure du livre « J’ai choisi d’être libre » accuse Tariq Ramadan de lui avoir donné une « grosse gifle » sur la joue gauche. Après avoir quitté la chambre, Henda Ayari affirme s’être rendue chez son amie Malica A. Auditionnée, cette dernière affirme que, après son rendez-vous avec Tariq Ramadan, Henda Ayari « semblait dans son état normal, épanouie. (…) Elle n’a jamais fait état dune quelconque agression dont elle aurait été victime. » Malica A. assure que Henda Ayari « n’avait pas de trace suspecte » sur le visage au lendemain de sa rencontre avec Tariq Ramadan.

En novembre dernier, Henda Ayari décide de porter plainte. Elle téléphone à Malica A. qui tombe des nues. « Dans la soirée, elle ma appelée. Elle ma dit quelle me contactait par rapport à ce qu’il s’était passé entre elle et Tariq Ramadan, décrit-elle. Je lui ai demandé ce qui lui prenait. Je lui ai demandé si elle avait oublié que je l’avais accompagnée à la gare le lendemain de son entrevue avec M. Ramadan et qu’à l’époque elle n’avait rien dit et qu’elle semblait même plutôt contente. Elle a marqué un blanc puis elle m’a dit qu’elle avait oublié. »

Autre témoin cité par Henda Ayari : Salem K. La plaignante affirme aux enquêteurs avoir raconté cette histoire à son « ami proche ». Salem K., ajoute-t-elle, « était très en colère contre Ramadan et il m’a ouvert les yeux pour que je me sépare de lui. Salem m’a même dit qu’il connaissait une femme qui s’était fait agresser sexuellement par Ramadan. » Appelé par les policiers, Salem K. affirme que Henda Ayari lui a bien parlé d’une agression supposée de Tariq Ramadan mais qu’elle « n’a donné aucun détail sur le contexte de cette agression, ni sur les faits en eux-mêmes. » Il indique par ailleurs « ne jamais avoir entendu d’autres femmes lui relater des histoires similaires. »

Paule-Emma A. : une séquestration remise en cause par l’enquête

Surnommée « Christelle » par la presse, Paule-Emma A. a livré un récit circonstancié de son viol supposé par Tariq Ramadan. Certaines de ses déclarations ont cependant été remises en cause par l’enquête. La plaignante a en effet affirmé aux juges avoir entendu un couple se disputer très fort dans la chambre voisine de l’hôtel Hilton de Lyon et demandé alors à Tariq Ramadan d’intervenir. Selon les vérifications des enquêteurs, les deux chambres voisines de celle occupée par Tariq Ramadan étaient en réalité inoccupées.

Puis Paule-Emma A. affirme que, à 5 heures du matin, profitant que Tariq Ramadan était aux toilettes, elle aurait ramassé ses vêtements et serait sortie de la chambre. Dans le hall, explique-t-elle, un employé de la réception « de type maghrébin » se serait moqué d’elle avec sa collègue. Les enquêteurs n’ont pas retrouvé ces deux personnes décrites par la plaignante parmi les employés de l’hôtel ayant travaillé cette nuit-là.

Une fois sortie de l’hôtel enfin, Paule-Emma affirme avoir pris le bus sans titre de transport, le chauffeur l’aurait alors laissée monter après avoir discuté avec elle et en ayant vu sa robe déchirée et son talon cassé. Des quatre chauffeurs qui ont travaillé sur les trois lignes qu’aurait pu prendre Paule-Emma A. ce matin-là, aucun ne se souvient l’avoir rencontrée.

Par ailleurs, un autre élément fragilise un peu plus le témoignage de Paule-Emma A. Alors que la plaignante a toujours maintenu que Tariq Ramadan serait « parti à la conférence avec (ses) affaires dans un grand sac blanc », dont sa robe et ses chaussures, après les faits supposés, et qu’elle assure avoir été séquestrée dans la chambre 612 de l’hôtel Hilton, une photo semble montrer la présence de Paule-Emma A. parmi les auditeurs de la conférence. Une photo, bien datée du 9 octobre 2012, actuellement en cours de vérification. Tariq Ramadan a toujours assuré aux enquêteurs avoir effectivement rencontré Paule-Emma A., mais « le 10 octobre 2009 en fin de matinée ou même plutôt début d’après-midi. » Soit le lendemain de la conférence.

« Marie » a-t-elle voulu « piéger » Tariq Ramadan ?

Call-girl déjà apparue dans le dossier du Carlton de Lille, qui mettait en cause Dominique Strauss-Kahn, « Marie » a livré aux enquêteurs une robe noire sur laquelle Tariq Ramadan aurait éjaculé. Le professeur était au courant de l’existence de cette robe depuis 2014, l’une des sœurs de « Marie » ayant prévenu que cette dernière allait tenter de piéger Tariq Ramadan : « Comme elle l’a fait avec DSK (elle a vendu son histoire au journaliste pour 8 000 euros), elle fera la même chose pour vous. Elle me la dit », écrit la sœur de « Marie » en août 2014 dans un message sur LinkedIn.

« Marie » affirme qu’elle a été violée à neuf reprises. Pourquoi a-t-elle continué à voir Tariq Ramadan ? « Il menaçait de révéler à ma fille notamment mon passé d’escort girl », assure-t-elle. Comme le souligne Le Point, son passé est « pourtant public depuis les audiences du procès du Carlton en juin 2015, à Lille. »

Le frère de « Marie », contacté par LeMuslimPost, affirme que lorsqu’il a demandé à sa sœur pourquoi elle portait plainte contre Tariq Ramadan, elle lui aurait répondu : « Pour l’argent, évidemment. » Dans un SMS, « Marie » écrit que sa famille n’a pas à s’inquiéter pour les frais de justice : « J’ai perçu une certaine somme d’argent pour affronter cette bataille », peut-on ainsi lire dans ce message provenant du numéro de la troisième plaignante.