La rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, a lancé cette attaque contre Antonio Guterres lors d’une conférence de presse après avoir présenté un rapport accablant pour le régime saoudien devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève.

A l’issue de près de 6 mois d’enquête sur l’assassinat de Jamal Khashoggi en octobre 2018 au consulat d’Arabie saoudite d’Istanbul, l’experte française a affirmé avoir rassemblé suffisamment de « preuves crédibles » pour justifier l’ouverture d’une enquête internationale afin d’établir les responsabilités de hauts responsables saoudiens dans ce crime, y compris le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Mme Callamard, qui en tant qu’experte indépendante ne s’exprime pas au nom de l’ONU, avait appelé la semaine dernière le chef de l’ONU à déclencher cette enquête.

Mais le porte-parole de M. Guterres avait répondu que le secrétaire général n’en avait pas le pouvoir et qu’il fallait qu’au moins un Etat membre de l’ONU en fasse la demande.

« J’ai été déçue », a-t-elle confié aux journalistes. Mais « ce que j’ai suggéré, c’est que c’est en son pouvoir d’interpréter les règles. »

« Je ne crois même pas qu’il faille une demande officielle d’un Etat membre », a-t-elle dit. « Cela dit, j’appelle les Etats membres à faire cette démarche officielle afin que le Secrétaire général n’ait pas la possibilité de créer d’autres pare-feux entre lui et ses responsabilités pour agir », a-t-elle lâché.

Devant le Conseil des droits de l’Homme, Mme Callamard a dit qu’elle avait été encouragée à enquêter sur la mort de Jamal Khashoggi « par ce que j’ai perçu comme une paralysie des Nations unies ».

« Les preuves rassemblées par l’enquête suggèrent que le meurtre de M. Khashoggi constitue une exécution extrajudiciaire, une disparition forcée et probablement un acte de torture pour lesquels le royaume d’Arabie saoudite est responsable », a-t-elle affirmé.

L’ambassadeur saoudien auprès de l’ONU à Genève, Abdulaziz Alwasil, a vivement réagi en dénonçant un rapport basé sur « des préjugés et des idées préconçues » et en accusant Mme Callamard d’avoir outrepassé son mandat.

Dans ses recommandations devant le Conseil, l’experte a appelé à la création par l’ONU d’une « task force » d’intervention rapide pour enquêter sur des meurtres ciblés ou des disparitions de journalistes et d’opposants.

Elle a spécifiquement demandé la mise en place de « mécanismes » pour protéger les journalistes, réagir rapidement aux menaces les visant, enquêter sur des cas suspects de disparition ou de meurtre, et contribuer à la constitution de dossiers en vue de poursuites judiciaires.

« Cela ne va pas se faire en une nuit », a-t-elle reconnu devant les journalistes.

Mais, a-t-elle ajouté, « la paralysie à laquelle nous assistons, le jeu de ping pong entre qui peut faire quoi, l’incapacité du Secrétaire général à décider si oui ou non il peut agir  (…) toutes ces choses seraient réglées s’il y avait un instrument permanent qui pourrait décider seul d’enquêter sur ce genre de crime ».